Composition du microbiote intestinal

Chez l'homme, le microbiote intestinal est un écosystème complexe et dynamique qui qui représente environ 1 kg de notre poids corporel. Il est maintenant reconnu que les communautés de microbes dans notre intestin fonctionnent comme un organe ayant de nombreuses actions métaboliques, immunologiques et de type endocrinien qui influent sur la santé humaine.

Dans les années 1980, Pace et ses collaborateurs ont introduit une nouvelle méthode d'identification des bactéries indépendante de la culture, basée sur le séquençage de leur gène. Le développement de ces techniques moléculaires permet aujourd’hui une évaluation fiable du microbiote intestinal.

En utilisant ces techniques, on estime maintenant que le tractus gastro-intestinal humain héberge environ 10 14 microorganismes (= 100 000 milliards) soit dix fois plus de cellules que le corps humain total. Le gros intestin ou colon contient la plus importante population microbienne du corps. Il est également admis que le microbiote intestinal humain est composé de 500 à 1 000 espèces microbiennes distinctes.

Pour bien comprendre, une espèce microbienne peut être présente en milliers d’exemplaires et c’est pour cela que le nombre total de microorganismes atteint des milliards. Prenons par exemple le cas des tomates (Solanum lycopersicum) et admettons que vous en avez au total 500 plants dans votre jardin mais issus de 10 variétés différentes (tomate cœur de bœuf, tomate cerise, tomate ananas …), donc vous avez bien 50 plants par variétés.

Il en est de même pour les bactéries dont la classification commence par les grandes familles qu’on appelle « Phylum », ensuite c’est le genre puis l’espèce.

Par exemple, les yaourts au bifidus contiennent une bactérie appartenant au genre Bifidobacterium (ou bifidobacterie) et au phylum Actinobacteria. Il s’agit de Bifidobacterium actif essensis. Mais les bactéries du genre Bifidobacterium sont nombreuses : Bifidobacterium longum, Bifidobacterium breve et Bifidobacterium bifidum

On parle plutôt de microorganismes car il y a aussi bien des bactéries que des champignons et virus.

Toutefois, notre microbiote intestinal est dominé par 3 grandes familles de bactéries. On les appelle les « phyla bactériens » : Les Firmicutes, Les Bactéroïdetes et les Actinobacteria. Ces 3 phylum constituent plus de 90 % des microorganismes totaux présents dans le tube digestif.

 

Dans notre intestin, les Firmicutes sont plus abondants que les Bactéroïdetes et les Actinobacteria sont proportionnellement moins importants et essentiellement représentés par les bactéries du genre Bifidobacterium encore appelées bifidobactéries.  Vous connaissez cette bactérie puisque vous la retrouvez dans les laits fermentés et yaourts au bifidus…

Dans le phylum des Firmicutes, on retrouve la fameuse bactérie appelée Faecalibacterium prausnitzii. Etudiée depuis plus de 10 ans par les chercheurs de l’INRA, elle serait en diminution chez les personnes souffrant de maladies inflammatoire de l’intestin. On y retrouve également les lactobacilles.

Le phylum des Bacteroidetes est, quant à lui, représenté par le genre des Bacteroides et Prevotella.

D’autres phyla bactériens sont présents dans l'intestin humain mais en faible proportion. Il s’agit des Proteobacteria, des Verrucomicrobia, des Fusobacteria, des Cyanobacteria et des Spyrochaetes.

Le microbiote dominant de tous les humains serait composé de ces 3 phyla bactériens (Fimicutes, Bacteroidetes et Actinobacteria). Toutefois, le microbiote de chaque individu serait caractérisé par une signature microbienne appelée « entérotype » :

  • L’entérotype 1 se caractérise par la prédominance des Bacteroïdes
  • L’entérotype 2 est caractérisé par les Prevotella
  • L’entérotype 3 identifiable par l’abondance des Ruminococcus

On retrouve ces trois entérotypes partout dans le monde, malgré les variabilités individuelles, indépendamment du lieu de naissance, du sexe, de l'âge ou du poids corporel. L’entérotype pourrait être en relation avec les habitudes alimentaires, notamment les deux premiers :

L’entérotype 1 à Bacteroides indiquerait un régime riche en viande.

L’entérotype 2 à Prevotella serait lié à une alimentation riche en glucides.

A l’Age adulte, le nombre total moyen d’espèces bactériennes est estimé à un peu plus de 500. Bien que chaque être humain détienne un microbiote intestinal qui lui est propre, un groupe de bactéries communes a pu être décrit. On apprend donc que 50% des bactéries d’un individus est partagé par 50% des individus qui l’entoure. En d’autres termes, vous partagez la moitié de vos bactéries dominantes avec la moitié des individus qui vous entourent.

La composition du microbiote dominant est établie approximativement vers l'âge de 3 ans. Celle-ci reste ensuite globalement stable au cours du temps chez des individus sains, en l’absence de perturbations.

Cette stabilité est telle que les scientifiques parlent même de « carte d’identité » liée au Microbiote dominant, qui permettrait d’identifier de façon formelle un individu, exactement comme si on utilisait son ADN humain. Cet assemblage d’espèces microbienne relativement stable, représente une véritable signature personnelle, notre « carte d’identité microbiotique ».

Evolution du microbiote intestinal au cours du temps

Si le microbiote est considéré comme acquis à partir de l’âge de 3 ans et relativement stable au cours des âges, cela suggère une adaptation intime du microbiote à son hôte, une sorte d’évolution concomitante, de lien profond. En d’autres termes, le microbiote est à l’écoute de l’environnement extérieur dans lequel vit son hôte et est prêt à l’aider en cas de problème.

L’Homme fournit à son microbiote un écosystème riche en nutriments et le microbiote assure des fonctions essentielles que l’homme ne peut effectuer lui-même. Ces fonctions sont à la fois d’ordre métabolique (fermentation colique et production d’acides gras à chaînes courtes), protectives (effet de barrière renforçant la résistance à la colonisation par des agents pathogènes opportunistes, sécrétion de peptides antimicrobiens) et structurelles (maturation de l’épithélium intestinal et du système immunitaire).

Toutefois, la composition du microbiote peut varier sous l’influence de nombreux facteurs tels qu’une alimentation trop riche en sucre, l’âge, les polluants et toxiques, les médicaments et le stress…. Heureusement que le microbiote intestinal est doté d’une capacité exceptionnelle de résilience c’est-à-dire qu’il peut revenir à son état initial après une période de perturbation. De nombreuses maladies ou un stress modéré peuvent entraîner des variations de la composition du microbiote intestinal mais ces variations seront réversibles. En d’autres termes, une gastroentérite altèrera votre microbiote de façon transitoire mais celui-ci reviendra à sa composition bactérienne dominante au bout de 3 à 6 mois.

Cependant, cette capacité de résilience à comme tout système performant un seuil. Les situations de stress forts ou chroniques tels que la rectocolite ulcéreuse, antibiothérapies à forte dose par voie intraveineuse, ou de lourdes interventions chirurgicales, peuvent provoquer des altérations durables, voire définitives, du microbiote. De même, une exposition répétée aux antibiotiques entraîne, à terme, une diminution de la diversité bactérienne et perturbe le retour à l’état initial.

Enfin, au cours du vieillissement, le microbiote va subir des modifications structurales caractérisées par une diminution des bactéries des genres Bifidobacterium et Bacteroides au profit des entérobactéries et des Clostridia

Toutefois, les changements physiologiques liés à l'âge, la modification du mode de vie, le comportement nutritionnel, les fonctionnalités déclinantes du système immunitaire, les traitements médicamenteux affectent inévitablement l'écosystème intestinal au cours du vieillissement.

De manière plus globale, les données de l’étude ELDERMET ont révélé que la composition du microbiote intestinal chez les sujets âgés est corrélée à leur lieu de résidence (domicile, hôpital ou en maison médicalisée en court ou long séjour) et à leur alimentation.

Ainsi les personnes en maison médicalisée « long séjour » ont une alimentation riche en graisse et pauvre en fibres alimentaires alors que les personnes résidant à domicile tendent à avoir un régime plus équilibré, riche en fibres alimentaires et pauvre en graisse. Cette étude montre que le microbiote intestinal est distinct entre ces deux populations de personnes âgées qui ont un régime différent.

Ainsi les données récentes soulignent une relation forte entre microbiote intestinal, état de santé et régime alimentaire chez la personne âgée. Elles suggèrent que la modulation du microbiote par un ajustement de l'alimentation et par la prise de probiotique puissent être une piste intéressante pour promouvoir un vieillissement en bonne santé.